Mathieu Eychenne, Stéphane Pradines & Abbès Zouache (dir.), Guerre et paix dans le Proche-Orient médiéval (Xe-XVe siècle) – Institut Français D’archéologie Orientale, 2019

Dans cet ouvrage résolument pluridisciplinaire, qui associe des historiens et des archéologues européens, américains et arabes, la guerre et la paix sont envisagées comme un couple indissociable, en interactivité permanente. Les travaux ici réunis montrent que cette interactivité est particulièrement prégnante dans le Proche-Orient arabe et musulman des xe - xvie siècles, où une classe de guerriers non arabes crée de nouveaux régimes politiques marqués par une forte militarisation du pouvoir. Ces guerriers font de la guerre et de la paix des outils de gestion des hommes et des territoires, qu’ils utilisent selon leur bon gré, toujours afin de promouvoir et pérenniser leur pouvoir.

Pourtant, l’activité de ces guerriers ne se limite pas au champ militaire. Les contributions réunies dans ce livre permettent de réfuter l’idée, encore trop souvent mise en avant par les spécialistes du Proche-Orient arabe et musulman, selon laquelle ils forment une caste complètement déconnectée des autres groupes sociaux. Certes, ils constituent bien un groupe social singulier, qui prend en charge la lutte contre les Croisés et les Mongols, dont les attaques semblent, un temps, menacer l’existence même du Dār al-islām. Mais les guerriers ne sont pas isolés des autres groupes sociaux, avec lesquels ils partagent bien des valeurs et des pratiques culturelles. Leur activité est multiforme. Elle ne se limite pas au champ politique et militaire : ils investissent aussi les champs religieux, économique et culturel. Progressivement, avec le soutien des élites civiles et religieuses sur lesquelles ils s’appuient pour gouverner et auxquelles ils se mêlent, ils modèlent en profondeur les sociétés qu’ils dominent, dont il apparaît, à la lecture de ce livre, qu’elles ne sont pas socialement segmentées ni cloisonnées.

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War and peace are deemed as inseparable and in pertinent interactivity in this multidisciplinary work, which brings together European, American and Arab historians and archaeologists. The papers published in this book show that this interactivity was particularly salient in the Arab and Muslim Middle East of the 10th-16th centuries, where a class of non-Arab warriors created new political regimes characterized by a strong militarization of power. These warriors used war and peace as means to manage territories and men in order to consolidate and entrench their power.

However, the activity of these warriors was not restricted to the military field. The papers collected in this book refute the idea, often still put forward by the specialists of the Arab and Muslim Middle East, that they formed a caste wholly detached from other social groups. Admittedly, they make up a singular body that takes charge of the fight against the Crusaders, who threatened Dār al-islām. Nevertheless, these warriors were not secluded from other social groups, with whom they share cultural values and practices. Their activity was multifaceted and not only limited to the political and military field. They were also involved in religious, economic and cultural activity. They gradually shaped the societies that they ruled with the support of the civil and religious elites on whom they relied to govern. This book shows that medieval Middle Eastern societies were neither socially segmented nor compartmentalized.